CLASSICO

La série CLASSICO s’attaque à des tableaux de maîtres – Velasquez, Rubens, le Greco, Goya, Manet, entre autres – pour un exercice de citation aux règles très particulières. Le propos n’est pas de jouer au faussaire, en dupliquant simplement les œuvres : le recadrage se concentre systématiquement sur un personnage, et redéfinit parfois le centre de gravité de l’image originelle : des deux tableaux de Georges de La Tour (La Diseuse de Bonne Aventure, Le Tricheur à l’As de Trèfle), le peintre ne conserve que la femme et son visage ; des Ménines de Velasquez, il délaisse le célèbre jeu de miroir pour se concentrer sur le buste de l’Infante. Ces figures, qui ont traversé l’histoire de l’art jusqu’à devenir des icônes culturelles aussi communes que la Marilyn de Warhol, sont convoquées sur la toile pour subir immédiatement un traitement de choc : hybridation entre deux tableaux, ou brossage iconoclaste. Le peintre s’attaque littéralement à ces tableaux qui ont hanté sa vie d’artiste depuis ses cours de dessin de jeunesse aux Beaux-Arts de Grenade. A travers les yeux de leurs personnages, ces chefs-d’œuvre n’ont-ils pas mis au défi tout artiste peintre, depuis des siècles, d’oser la figuration ? La réponse de Francisco Rodriguez del Canto tient dans une métaphore physiologique : pour avancer et grandir, il faut se nourrir efficacement de ses modèles, les assimiler, donc les digérer, les dissoudre dans ses propres sucs picturaux. Avaler pour ne pas être avalé à son tour. Mais le geste de l’artiste, libérateur pour sa propre pratique, semble en retour libérer ces personnages, enfermés dans des chefs-d’œuvre comme dans des tombeaux de la Culture. Isoler et magnifier les visages de ces hommes et de ces femmes, modèles anonymes ou figures historiques, c’est ramener le dialogue intimidant avec les chefs-d’œuvre au niveau d’un échange entre deux visages, deux personnes. En dépit du poids étouffant de l’histoire de l’art, semblent nous dire ces tableaux, l’art doit demeurer une affaire inter-personnelle.

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